Nombreux sont ceux qui, au sein de la blogosphère chiraco-villepiniste qui a fleuri depuis plusieurs mois sur internet, ont décidé de rallier François Bayrou, poursuivant, ainsi, l’action qu’ils ont menée pour dénoncer certains des errements du candidat de l’UMP. Ce choix est éminemment respectable. Pour autant, je ne suivrai pas ce chemin. Je m’en explique. La ligne suivie par François Bayrou depuis 2002 s’inscrit clairement dans une politique de rupture avec la Présidence de Jacques Chirac et l’action menée par les gouvernements successifs de ce quinquennat. Bien entendu, ma fidélité à la majorité présidentielle actuelle m'ont conduit,depuis longtemps, à condamner, sans réserve, une telle orientation du Président de l’UDF.
Je réprouve, tout d’abord, la rupture avec l’électorat de centre-droit qui, à l’occasion des élections législatives de 2002, a voté pour des candidats estampillés UDF sur la base d’un programme électoral qui ne pouvait, sur aucun point, se confondre avec celui que proposait la gauche. Tous ceux qui, de bonne foi, souhaitaient affirmer leur appartenance à la droite républicaine sans pour autant rallier l’offre programmatique de l’UMP, sont aujourd’hui les cocus de l’UDF. Beaucoup auront compris que la posture du ni-droite, ni gauche, du Président de l’UDF, n’avait qu’un seul but : lui construire une image alternative (peu crédible, à mon sens) qui devait lui permettre d’asseoir sa démarche solitaire à l’occasion de l’élection présidentielle et d’assouvir, ainsi, une ambition personnelle démesurée. Même si sur ce dernier point, le comportement de François Bayrou peut paraître plus adroit que celui de Nicolas Sarkozy, car en apparence plus modéré, il n’en demeure pas moins que c’est son seul intérêt personnel qui a guidé François Bayrou au cours des dernières années. Et ce, au risque de fautes politiques majeures qui n’ont profité qu’à une opposition goguenarde.
Dès 2004, à l’occasion des élections régionales, le refus de présenter des listes communes UMP-UDF, a contribué à la déroute électorale de la droite avec le résultat que nous connaissons : vingt régions sur vingt deux sont désormais aux mains des socialistes.
Mais, plus grave encore à mes yeux, le candidat béarnais a entraîné le groupe UDF à l’Assemblée Nationale (ou en tout cas, une partie de ses troupes) à franchir le rubicon et à commettre une erreur que je juge impardonnable. Après avoir refusé de voter un volet du budget présenté par le Gouvernement de Dominique de Villepin (premier acte d’opposition frontale), il a apporté les voix de certains de ses députés à une motion de censure présentée par le groupe socialiste. Comment tous ceux qui ont souhaité que le Premier Ministre puisse jouer un rôle d’envergure dans cette élection présidentielle, peuvent-ils aujourd’hui apporter leur soutien à un homme qui a tout simplement voulu abattre le gouvernement ? Bien sûr, certains répondront que compte tenu de l’écrasante majorité de députés UMP à l’Assemblée, cette motion de censure n’avait aucune chance d’aboutir. Pour autant les faits sont là, et il y a bien eu une tentative de déstabiliser Dominique de Villepin dans une période où l’affaire Clearstream (dont je n’oublie pas l’orchestration nauséabonde dont elle a fait l’objet de la part de la garde sarkozyste) affaiblissait déjà le Chef du Gouvernement. Or, j’ose espérer que celui qui souhaite, pour la seconde fois, conduire les rênes du pays, assume avec responsabilité chacun de ses actes politiques.
Aujourd’hui, François Bayrou se présente un peu comme le David Copperfield de la politique française, en prônant une union nationale qui n’a pas sa place dans le cadre des institutions de la Vème République. Au niveau politique, l’union nationale ne peut s’envisager qu’au sortir d’une crise grave ayant porté atteinte à l’intégrité du pays ou à la cohésion du peuple français. Les évènements qui ont conduit le Général de Gaulle à composer avec la gauche et les communistes avaient un sens lorsqu’il s’agissait de panser les plaies d’un pays bouleversé par des années de guerre et de crise. Mais nous vivons, désormais, dans une démocratie apaisée et aucune circonstance de cette ampleur ne permet de légitimer la constitution d’un modèle de gouvernement qui concentrerait, en son sein, des hommes et des femmes portant des valeurs fondamentalement opposées.
Bien sûr, le principe de l’union nationale plait au Français si l’on en croit l’envolée de l’illusionniste Bayrou dans les sondages. Pourtant, pour accréditer une telle orientation, il faudrait, au préalable, que le candidat de l’UDF se positionne plus clairement et réponde à cinq questions majeures.
- Avec qui gouvernera t-il au lendemain de son éventuelle élection ? On connaît la sympathie qu’il ne cesse de témoigner à Dominique Strauss-Kahn ou à Jacques Delors. Mais l’un et l’autre lui ont déjà répondu qu’il n’était pas question d’envisager une plate-forme de gouvernement commun.
- Sur quelle majorité s’appuiera t-il à l’Assemblée Nationale pour mettre en œuvre les réformes essentielles dont notre pays ne pourra évidemment pas s’exonérer tout au long des cinq années à venir ? Je ne crois pas à une majorité de projets à géométrie variable qui pourrait se constituer au gré des différentes propositions de lois. L’exemple italien démontre, s’il en était besoin, qu’une telle démarche engendrerait une instabilité néfaste pour le pays.
- François Bayrou affirme avoir déjà plus de 600 candidats qui, dans la foulée de son hypothétique accession à l’Elysée, se présenteraient aux élections législatives qui suivront. Cette perspective est en totale contradiction avec la volonté d’union nationale prônée par le candidat centriste puisqu’il chercherait, dès lors, à constituer sa propre majorité constituée de députés UDF. Mais outre cette incohérence, la présence systématique de candidats UDF dans chacune de nos circonscriptions conduirait inévitablement à des triangulaires au second tour et permettrait, à coup sûr, de favoriser l’émergence d’une majorité socialiste à l’Assemblée Nationale. Après avoir ravi à Jean-Marie Le Pen la place de troisième homme pour l’élection présidentielle, François Bayrou veut-il jouer le jeu trouble du Front National qui, en maintenant des candidats au second tour des législatives de 1997, a permis la victoire du Parti Socialiste ?
- Les électeurs sont versatiles et trop souvent prompts à retirer la confiance qu’ils ont témoignée à ceux qu’ils ont élu. Cette instabilité s’est traduite, au cours des vingt dernières années, par une alternance systématique à chaque consultation électorale. Le mot d’ordre est toujours le même : il faut sortir les sortants. Aussi, en retenant l’hypothèse (invraisemblable) d’un gouvernement d’union nationale, vers quelle offre politique pourraient alors se tourner les français si ce n’est celle proposée par les extrêmes de tous poils ?
- Enfin, face à la frilosité de nos compatriotes sur la construction européenne, le leader centristes osera t-il avancer le projet fédéraliste qui lui tient à coeur alors que l’Europe politique ne pourra se faire au détriment du cadre national qui fonde la cohésion des tous les peuples ?
Il y peu de chances d’obtenir, de la voix même du candidat centriste, des réponses claires à ces questions, sauf à se satisfaire d’envolées lyriques qui ont pour objectif d’endormir les électeurs. Je me sens bien trop éveillé pour m’en laisser conter. François Bayrou ne sera pas mon candidat.